lolendo

(en cours)

La série photographique "Lolendo", est un projet artistique et documentaire qui questionne la condition des minorités sexuelles et de genre en RDC, "silencées" et "invisibilisées".

Ainsi que l’attestent les recherches en sciences sociales et humaines, l’homosexualité était belle et bien présente en Afrique qu’il s’agisse de la période précoloniale ou de l’âge impérial. L’anthropologue Edward Evan Evans-Pritchard (1902-1973) a ainsi montré dans un texte fondateur paru dans l’American Anthropologist et intitulé « Sexual Inversion Among the Azande » (1970) que les relations homosexuelles étaient pratiquées chez les Azandé. Vivant principalement dans l’actuelle République démocratique du Congo (RDC), les hommes avaient coutume de prendre pour époux de jeunes hommes. Les travaux historiques, sociologiques et anthropologiques réalisés depuis ont permis de mieux prendre la mesure de la place sociale occupée au fil du temps par l’homosexualité dans les sociétés africaines. Ce courant de recherche qui s’inscrit dans la progressive reconnaissance de l’égalité des droits pour les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres et intersexuelles (LGBTI) en Amérique du Nord et en Europe continentale, a également documenté la stigmatisation de plus en plus prononcée dont faisaient l’objet les LGBTI sur le Continent.

Comment aujourd’hui donner à voir la place de l'homosexualité en Afrique? Et comment la photographie peut-elle permettre d’inverser le temps à savoir la rendre de nouveau socialement acceptable ? Peut-être, en « décolonisant les imaginaires » ?

Réalisée au premier trimestre de l'année 2015 en République démocratique du Congo (RDC), la série Lolendo tente de répondre à cette interrogation, et à cette urgence. Empruntant son nom au mot lingala qui signifie « la fierté », elle présente des portraits de personnes LGBTI dont l'existence est aujourd’hui niée. En RDC, l’homosexualité n'est pas réprimée par la loi, mais, contrairement au passé, la société congolaise la perçoit désormais avec hostilité, la considère comme une pratique « immorale » importée de l’Occident, parfois même assimilée à de la sorcellerie. Ainsi persiste le mythe, alimenté par les leaders politiques et religieux, d’une Afrique précoloniale où les relations entre personnes du même sexe n’existaient pas. Un argument utilisé pour mieux rejeter les homosexuels et leur ôter leur africanité.

Or, c’est l’homophobie que les colons ont introduite en Afrique, pas l’homosexualité. La culture, les traditions et les valeurs ancestrales d’ouverture des Afriques n’ont jamais été contre l’homosexualité, au contraire. C’est durant la période de l’esclavage et de la colonisation qu’a été introduite une logique de hiérarchisation de l’être humain et donc de jugement moral sur l’homosexualité. Les conséquences de ces représentations collectives sont particulièrement préoccupantes. Elles se caractérisent par des insultes, des humiliations, ainsi que des mises à l’écart du cercle familial qui peuvent conduire au suicide ou au meurtre de la personne discriminée. Tout aussi inquiétante, la stigmatisation des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres et Intersexuelles (LGBTI) se traduit par des discriminations dans l'accès aux soins et à la santé alors même que le Congo est l’un des pays les plus touchés par le VIH.

Sur le temps long, l’action des associations locales ainsi que le plaidoyer des organisations non-gouvernementales internationales peuvent contribuer à résoudre cette crise sociale et sanitaire en rappelant le respect des droits humains fondés sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Comme tout essai de photographie documentaire, la série Lolendo espère y contribuer à sa mesure. Elle tente de restaurer le visage et de donner une dignité à celles et ceux qui sont en RDC victimes de discriminations au péril de leur vie. Elle invite, aussi, à sortir de la seule grille de lecture occidentale pour mieux accueillir d’autres récits sur le regard porté sur la communauté LGBTI. Des récits qui, au-delà du cas africain, questionnent également les représentations occidentales, de l’homophobie et son histoire. La notion du temps qu’il s’agisse de celui de la pose photographique ou de la réception du travail photographique est vitale ici comme ailleurs. Elle rappelle que la promotion et le respect des droits ne peut se faire sans la volonté des autorités et le courage des concernés - ici s’exposant, ici exposés.

----

« Un jour, la crise du sida sera terminée. Souvenez-vous-en. Et quand ce jour arrivera, alors des personnes qui vivent sur cette terre, des personnes gays et des personnes hétéros, des hommes et des femmes, noir.e.s et blanc.he.s, entendront l’histoire qu’il y avait jadis une épidémie terrible dans ce pays et partout dans le monde, et qu’un groupe courageux de personnes s’était levé et s’était battu, donnant parfois sa vie, pour que d’autres vivent et soient libres. »

Vito Russo, discours prononcé lors d’un zap d’ACT UP devant le Département de la santé d’Albany, État de New York, 9 mai 1988 http://www.actupny.org/documents/whfight.html

Bibliographie :

- Sida, un heritage de l'epoque coloniale
https://www.youtube.com/watch?v=SWqMrXW4axQ
- JACQUES PEPIN. Aux origines du sida, Enquête sur les racines coloniales d'une pandémie, 2019
- DANIEL VANGROENWEGHE. Sida et sexualité en Afrique, 2000.
- CHARLES GUEBOGUO. Sida et homosexualité(s) en Afrique, 2009.
- CAMPBELL DAVID. The Visual Economy of HIV/AIDS. A report for the AIDS, Security and Conflict Initiative, 2008.
- WILL ROSCOE & STEPHEN O. MURRAY. Boy-Wives and Female Husbands: Studies of African Homosexualities, 2001.
- THOMAS HENDRIKS. SIM cards of desire: sexual versatility and the male homoerotic economy in urban Congo, 2015.
- EVANS-PRITCHARD, EDWARD EVAN. « Sexual Inversion among the Azande. » American Anthropologist, 72(6), 1970.
- «Revue de performance du PSN VIH en RDC, Contribution de Médecins du Monde (3) Minorités sexuelles et de genre», MDM, 2013.
- EPPRECHTS MARC. Heterosexual Africa? The History of An Idea From the Age of Exploration to the Age of AIDS. Athens, Ohio University Press, 2008.
- «Rapport sur l’état d’avancement de la réponse à l’épidémie du VIH/Sida». Kinshasa, Programme National Multisectoriel de Lutte contre le Sida, 2014.
- CHRISTOPHE BROQUA. L’émergence des minorités sexuelles dans l’espace public en Afrique. La question homosexuelle et transgenre. Politique africaine, 2012.
- «Effecting Culture Change around Attitudes to LGBTQ Communities in the Democratic Republic of Congo», An Arcus Foundation Report by HEAD JOSEPHINE, 2014.
- THIOMBIANO GALLARDO, ROJAS CASTRO, LE GALL. Lutte contre le Sida et Homosexualité en Afrique francophone. Une étude comparative MIRE (Mission Innovation Recherche Evaluation), 2012.
- «Rapport sur les facteurs explicatifs de la séroprévalence élevée de l'infection à VIH/sida chez les hommes ayant des rapports sexuel avec les hommes de Kinshasa», MBWOLIE NSABALA HILAIRE, 2010.
- PATRICK AWONDO, PETER GESCHIERE, GRAEME REID, ALEXANDRE JAUNAIT, AMELIE LE RENARD, ÉLISABETH MARTEU. UNE AFRIQUE HOMOPHOBE ? Presses de Sciences Po, 2013
- Rapport 2016 Le Prix de l'oubli - MSF
https://www.msf.fr/commun...rge-de-la-lutte
- NR Faria The early spread and epidemic ignition of HIV-1 in human populations. Science 2014 (346)

(Certains prénoms sont des prénoms d’emprunts).
 Le journaliste Allemand, Carl Gierstorfer, a dévoilé en 2014 l'origine du sida. Une enquête qui montre la responsabilité des puissances coloniales dans l'émergence de cette épidémie restée sourde pendant longtemps. Les chercheurs américains ont retracé l'évolution de la contamination humaine par le virus du sida, grâce aux virus enserrés dans la paraffine, qu'ils font remonter à 1908, en Afrique équatoriale française (AEF).
 Trois lignes de chemin de fer ont été construites durant la période de l'Etat Indépendant du Congo entre 1887 et 1908, à savoir : la ligne Matadi-Léopoldville,  partiellement la ligne Boma-Tshéla du chemin de fer du Mayumbe  et la ligne Stanleyville - Ponthierville.du CFL (Compagnie des chemins de fer du Congo supérieur aux grands lacs africains).
 Léopoldville_1937_Micheline
Les visées impérialistes de Léopold II conjuguées avec les explorations de Stanley portèrent leurs fruits à la conférence de Berlin de 1885. La plus grande partie de la cuvette centrale de l’Afrique et les plateaux qui l’entourent constituaient l’Etat indépendant du Congo devenu colonie Belge de 1908 à 1960. La nécessité du développement de la navigation se fait sentir dès 1887. L’UNATRA (Union nationale des transports fluviaux) sera créée en 1925, à l’origine, était constituée par l’ensemble des bateaux de la SONATRA et de la CITAS. Elle avait pris des accords avec le Gouvernement colonial et le service des bateaux courriers en avait été fortement amélioré, avec des horaires qui correspondaient à ceux des navires reliant Anvers à Matadi et les Chemins de Fer de l’Est et des Grands Lacs. La Première Guerre mondiale révéla l’importance géopolitique de la colonie belge comme source de matières premières.
 Sida, un héritage colonial : Dans les années 1908, c'est l'exploitation coloniale de l'Afrique centrale qui a permis de ramener le virus du sida à Kinshasa, répondant alors au nom de Léopoldville. Or, cette ville n'est pas une ville comme les autres dans l'Afrique coloniale. La capitale du Congo belge est en plein essor. Une croissance qui va de pair avec l'émergence des transports et en particulier celle du chemin de fer développé par la Belgique. Matadi – Léopoldville, la première ligne ferroviaire construite en Afrique centrale. Longue de 366 km elle fût réalisée entre 1887 et 1898. Véritable noeud d'échanges, Kinshasa voit passer, grâce au train, 1 million de personnes chaque année. Son expansion économique entraîne aussi la venue de travailleurs immigrés et l'explosion du sexe tarifé. Une addition de facteurs qui a favorisé la circulation du virus dans les régions alentours, et, plus tard, dans le monde entier.
 Hommage aux martyrs du colonialisme et du sida
Les obsèques de Tata, commune de Kimbanseke, Kinshasa/RDC
 
Sylvie, commune de Kimbanseke, Kinshasa/RDC
 
Raphael, commune de Kimbanseke, Kinshasa/RDC
 
Junior & Benjamin, commune de Barumbu, Kinshasa/RDC
 
Véronica & Jeannette , commune de Limete, Kinshasa/RDC
 Laure, commune de Bandalungwa, Kinshasa/RDC
 
Papy, quartier de Matongué , Kinshasa/RDC
 Greg, commune de Limete, Kinshasa/RDC
 
Jean, commune de la Gombe, Kinshasa/RDC
 
Claudia, commune de Kimbanseke, Kinshasa/RDC
 
Vincent, commune de Limete, Kinshasa/RDC
 
Ronny, commune de Limete , Kinshasa/RDC
 
Belinda, commune de Bandalungwa, Kinshasa/RDC
 
Blaise, commune de Kintambo, Kinshasa/RDC
 
Olivier, commune de Kintambo, Kinshasa/RDC
 
Norella, commune de Kimbanseke, Kinshasa/RDC
 
Trésor, commune de Bandalungwa, Kinshasa/RDC
 Régis, commune de Kintambo, Kinshasa/RDC
 
Daniela, commune de Bandalungwa, Kinshasa/RDC
 
Lukengo, commune de Bandalungwa, Kinshasa/RDC
 Dada, commune de Bandalungwa, Kinshasa/RDC
 Belly, commune de Matongué, Kinshasa/RDC
 Eric, commune de Matongué, Kinshasa/RDC
 Julie, commune de Bandalungwa, Kinshasa/RDC
 Coco, commune de Bandalungwa, Kinshasa/RDC
 
Micha, commune de Bandalungwa, Kinshasa/RDC
 Blanchard, commune de Kintambo, Kinshasa/RDC
 Olivier, commune de Kimbanseke, Kinshasa/RDC
 
Steve, commune de Kintambo, Kinshasa/RDC
 Patou, commune de Bandalungwa, Kinshasa/RDC
 Pamela, commune de Limete , Kinshasa/RDC
 
Claudia, commune de Kimbanseke, Kinshasa/RDC
 Dans ce pays de 74 millions d’habitants, où l’on dénombre actuellement plus d’un million de personnes infectées ou affectées par le virus du sida, seules 12% des personnes éligibles à un traitement ARV en bénéficient effectivement, soit 50 000 des 430 000 personnes vivant avec le VIH/sida au Congo. En comparaison, en Afrique subsaharienne, la couverture moyenne en ARV s’élève à 54%. Par ailleurs, moins de 5% des femmes séropositives enceintes vivant en RDC bénéficient d’un traitement ARV; ce qui signifie que les 95% d’entre elles risquent de transmettre le virus à leur(s) futur(s) enfant(s). (Statistique 2015, selon un rapport de l’ONUSIDA.)
 Hommage aux martyrs du colonialisme et du sida

Les obsèques de Tata, commune de Kimbanseke, Kinshasa/RDC